Entrée en vigueur du Traité de Beijing
Une avancée majeure pour les droits des artistes-interprètes de l’audiovisuel au niveau international
Le 28 avril 2020, le Traité de Beijing sur les « interprétations et exécutions audiovisuelles » est entré en vigueur. Si cette nouvelle est passée plutôt inaperçue, elle est pourtant d’une importance capitale pour les artistes et exécutants du monde de l’audiovisuel. Ce traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) vient en effet fortement renforcer la protection des droits des artistes et travailleurs de l’audiovisuel, il nous est donc apparu important de rappeler ici le contexte de son adoption, et d’aborder ensuite les conséquences espérées – et attendues – pour les artistes-interprètes canadiens.
Un traité historiquement important
« Le traité de Pékin est la chose la plus importante qui nous soit arrivée à nous, acteurs, depuis l’invention du cinéma » déclarait l’acteur Javier Bardem à propos de l’entrée en vigueur de ce traité[1]. Les conséquences pour les droits des artistes audiovisuels sont en effet importantes, puisque le Traité de Beijing confère aux artistes-interprètes de nouveaux droits patrimoniaux et moraux sur leurs interprétations ou exécutions fixées sur des supports audiovisuels, tels que des œuvres cinématographiques. Signé en 2012 par plus de 80 pays après plusieurs années de discussions, il était nécessaire que 30 pays ratifient le Traité pour qu’il rentre en vigueur, et c’est chose faite depuis que l’Indonésie a été le trentième pays à le ratifier en janvier 2020.
Mais si l’entrée en vigueur du Traité constitue une avancée majeure pour les droits des artistes au niveau international, reste à chaque État – Canada compris – de le ratifier et d’implémenter les dispositions dans son droit national, afin de garantir concrètement aux artistes les nouveaux droits auxquels ils peuvent désormais prétendre.
Une différence de régime entre artistes-interprètes
Depuis l’adoption de la Convention de Rome en 1961 et du Traité de l’OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes en 1996 (WPPT), les artistes se sont vus octroyés des droits patrimoniaux et moraux sur leurs prestations fixées sur des enregistrements sonores, mais non de manière équivalente sur les fixations audiovisuelles de leurs interprétations. Cela aboutissait à une situation difficilement compréhensible où l’interprétation d’un musicien fixée sur un enregistrement sonore n’avait pas la même protection que la prestation d’un acteur dans le cadre d’une œuvre cinématographique, entraînant ainsi une discrimination entre la protection des interprétations sonores et des interprétations audiovisuelles.
Avec l’adoption du Traité de Beijing, les artistes audiovisuels qu’ils soient acteurs mais aussi chanteurs, musiciens ou danseurs, ont désormais des droits patrimoniaux et moraux sur leurs interprétations, au même titre que les artistes musicaux, comme, par exemple, le droit patrimonial d’autoriser la reproduction de leurs interprétations sous quelque forme que ce soit ou comme le droit moral à la paternité, c’est-à-dire le droit d’exiger d’être mentionné comme artiste-interprète en rapport avec leurs propres interprétations. Plus concrètement, ces nouveaux droits vont notamment permettre aux artistes de l’audiovisuel de mieux tirer profit de l’exploitation de leurs interprétations et d’améliorer ainsi leurs revenus.
La situation au Canada
Aujourd’hui encore, la loi canadienne sur le droit d’auteur prévoit que lorsqu’un artiste autorise l’incorporation de sa prestation dans une œuvre cinématographique, il ne bénéficie pas des droits exclusifs et des droits moraux revenant, à l’inverse, à un artiste participant à un enregistrement sonore.
Déjà, en 2016, Artisti plaidait pour remédier à cette incohérence en modifiant la loi sur le droit d’auteur, par un mémoire déposé dans le cadre de la consultation publique sur le contenu canadien dans un monde numérique[2]. Artisti souhaitait ainsi une modification de la loi afin d’« étendre les droits exclusifs et des droits moraux qui ont été octroyés aux artistes interprètes participant à des enregistrements sonores aux artistes interprètes qui participent à des œuvres cinématographiques (films, émissions, vidéos) le tout, dans l’esprit du traité de Beijing ».
Artisti est toujours d’avis qu’il serait équitable d’étendre les droits prévus pour les artistes-interprètes du secteur sonore à l’ensemble des artistes-interprètes afin qu’ils bénéficient de la même protection par le droit d’auteur, et plaide donc pour une ratification du Traité de Beijing par le Canada et une modification de la Loi sur le droit d’auteur en conséquence. La différence de régime n’est en effet pas fondée : toutes les prestations d’artiste interprète devraient bénéficier de la même protection, quel que soit le support de fixation.
[1] Droits des artistes : Javier Bardem salue le nouveau traité de l’ONU (Traité de Pékin = Traité de Beijing, que nous préférons utiliser ici, sur recommandation de l’OMPI)
[2] Artisti, en faveur d’un numérique qui propulse la culture – Mémoire déposé dans le cadre de la consultation publique sur le contenu canadien dans un monde numérique (24 novembre 2016)